Seul un néophyte peut oser une telle question. C’est le parti pris pédagogique que nous avons suivi pour ouvrir ce premier dossier consacré à l’IA. Face à nous, 3 ingénieurs chevronnés, trois spécialistes de l’IA et du BIM Management qui au sein de B27 consacrent leur temps à la R&D en se focalisant sur les applications que l’IA peut apporter aux acteurs de la construction et leur cibles usagers. Même plus peur !
Alexandre Avenet, vous êtes titulaire d’un master des ponts et chaussées sur le bâtiment intelligent et depuis 6 ans, BIM Manager chez B27. Quels sont les enjeux actuels de l’association BIM et IA ?
La maquette numérique a constitué une révolution en ce qu’elle permet de créer une base de données unique de tout ce qui constitue le bâtiment. Mais tout l’enjeu est de pouvoir utiliser cette masse d’informations au profit de nouveaux services. Son interopérabilité avec d’autres bases est le point crucial de son intérêt opérationnel.
Un exemple, disposer d’un capteur de température n’a que peu d’intérêt s’il n’échange pas avec un système GTB voire mieux encore avec la base de météo France. Le service qui en découlerait prendrait une tout autre dimension, non ?
L’échange de données est donc la pierre angulaire de nos recherches. En nous inspirant du modèle du Web 3.0 qui constitue aujourd’hui la plus importante base de données interopérables, l’idée est de créer un jumeau numérique du bâtiment dont toutes les données sont utilisables sur tous les systèmes.
Anthony Dumas (responsable du pôle R&R de B27) et Stéphane Reynaud, doctorant IA, quels sont les outils opérationnels sur lesquels vous travaillez ?
Nos principaux axes de recherche consistent à développer des outils orientés smart building c’est-à-dire orientés nouveaux services aux usagers notamment par la prédiction des évènements concernant les bâtiments. L’idée est de pouvoir répondre à une stratégie client (économie d’énergie – optimisation de l’occupation – sécurité maximale …) par un pilotage de tous les capteurs de données dédiés à cette stratégie. Nous pouvons dès lors interroger le bâtiment sur son état grâce aux informations natives de la matrice BIM mais aussi des infos que l’on a greffées pour répondre à des demandes spécifiques. Le travail de Stéphane est d’arriver à transformer cette demande utilisateur en requête informatique pour obtenir la bonne réponse. Et à l’issue, proposer à l’usager un tableau de bord pour piloter sa maintenance. Pour cela il est primordial d’incrémenter dans les bases la connaissance métier et de pousser la granulométrie le plus loin possible pour assurer la meilleure performance au système. Tout en s’assurant que cette recherche soit transmissible en langage naturel pour que l’usager puisse accéder à ces nouvelles fonctions via son smartphone.
On comprend que c’est cette interopérabilité qui peut rendre le bâtiment intelligent ? Mais comment cela fonctionne dans les faits ?
Pour prendre une analogie simple, disons que créer un smart building impose de conjuguer trois systèmes : le BIM qui serait en quelque sorte le squelette, le BOS (building operating system) qui en serait le cerveau et l’IOT (l’internet des objets) qui en serait le système nerveux permettant de percevoir le monde.
L’idée sur laquelle nous avons beaucoup travaillé est de développer les capteurs intelligents qui récupèrent un maximum de données du bâtiment de façon à ce que – en local pour éviter tout piratage – nous puissions les interopérer avec d’autres bases de données.
Nous avons chez B27, créé une première banque de capteurs nous permettant de scanner le bâtiment en temps réel.
Une salle de réunion préréservée mais où personne ne se présente, on fait quoi ? Une pièce vide qui reste allumée, on fait quoi ? Notre objectif est d’optimiser toutes les fonctions en temps réel afin de parer à toutes les éventualités sur tous les usages possibles.
Au-delà d’une bonne gestion, cela a évidemment des répercussions en termes de sécurité (détecter les risques), de confort (la bonne température au bon endroit en fonction de la météo), un technicien qui fait un malaise dans un local technique, le détecter sans vidéos afin de respecter la RGPD.
En clair le BIM apporte la donnée, l’IA la traite et l’optimise, l’OIT permet de passer à l’action.
Quelle pourraient être d’autres évolutions de cette “intelligence“ ?
Il y a souvent beaucoup d’incohérence et de contradictions dans les programmes des bâtiments sur lesquels les cahiers des charges de conception doivent pourtant s’appuyer.
Avec une fonction de vérification de toutes les options créatives et techniques en amont sur la base de l’ensemble des données normatives, l’IA peut avoir pour vocation de les anticiper et de générer automatiquement les CCTP de façon extrêmement rapide et fiable.
Un bâtiment conforme de manière proactive en fait. Toute choses qui permettent à l’architecte de sécuriser sa conception et à l’ingénieur de bénéficier d’un processus itératif favorisant une gestion anticipée des éventuels conflits pouvant intervenir dans le temps ou en fonction de l’évolution des usages.
Premières fonctions utilisables
Automatisation de tâches sans valeur ajoutée
- Rédaction de notices, textes, mails…(ChatGPT)
- Création de scripts, macros pour les outils de bureautique (ChatGPT)
- Classification pour assister à la construction BIM depuis un scan 3D (Cyclone Leica)
- Gestion de projet (InEight Basis, Trimble Vico office, Autodesk Assemble)
Aide à la décision en phase conception
- Aide à la simulation (Autodesk Forma)
- Aide à la conception BIM (Autodesk Generative design Revit)
- Aide à l’extraction de quantités pour les estimations projets ((InEight Basis, Trimble Vico office, Autodesk Assemble, Autodesk ProEst, B2W Estimate, CostX))
Aide à la MOEX
- Analyse d’images pour aider à vérifier la conformité chantier versus maquette (Holobuilder Faro, Structionsite droneDeploy, Openspace.ai, Procore)
- Assistance à l’optimisation des taches chantier (Autodesk Assemble)
- Assistance à la planification (Trimble Vico office)
Aide à la maintenance
- Détection de tendances et prédiction de défaillances potentielles, aide à la planification des interventions (Fiix, Maximo, Senseware, Facilio, Bosch BIS)